
Les 10 super-pouvoirs du son
Notre cerveau est doté de propriétés étonnantes dont nous n’avons pas toujours conscience : parmi...
L’histoire du son immersif
La spatialisation sonore est régulièrement considérée comme l’avenir de nos expériences immersives. Mais est-elle vraiment si futuriste ?
Un être humain perçoit une multitude de sons, provenant de toutes directions. Même lorsqu’il s’agit d’écouter une personne parler dans une pièce calme, nous entendons des centaines d’échos générés par la configuration de l’espace. C’est ce qui rend notre expérience immersive.
Lorsque l’on reproduit artificiellement des sons enregistrés, l’enjeu réside dans le fait de convaincre notre cerveau de se trouver dans un environnement “crédible”. C’est-à-dire que l’expérience devient immersive quand nous avons la sensation de recevoir des sons de manière habituelle. Le processus d’écoute devient naturel quand l’environnement sonore est réellement en 3D, et donne l’impression de recevoir des informations de toutes les directions.
Il s’agit donc de copier l’existant, comment en est-on arrivés là ?
S’écouter pour penser la spatialisation sonore
Avant même d’imaginer un son quel qu’il soit, il faut comprendre comment l’humain le reçoit. Le processus de sonorisation et de production sonore est par conséquent profondément humain ; il s’agit de copier le comportement de nos oreilles, de notre cerveau, pour créer des outils technologiques sur mesure.
Comme nous l’explique Antoine Petroff, Directeur produits immersifs à Ircam Amplify, l’humain perçoit des sons et des bruits en permanence. C’est aux fondements de notre espèce : les sons nous permettent de réagir à notre environnement. Ayant deux oreilles, nous percevons les sons différemment selon notre position par rapport à l’origine du son. Ce qui veut dire que nous entendons différents bruits, de différentes positions, tout le temps.
Historiquement, le cinéma a accompagné les premiers pas de la spatialisation sonore. Le plus souvent, Disney est mentionné comme l’une des premières expérimentations du son spatialisé. En 1940 sort le film Fantasia, accompagné de son installation sonore avec plusieurs enceintes : Fantasound. Puis quelques années plus tard, c’est le cinéaste Henry Jacobs qui pousse l’expérimentation avec son projet Vortex Concerts. Dans un planétarium dont le dôme est équipé d’enceintes, il parvient à diffuser un son de façon à le faire tourner d’enceinte en enceinte. Doucement, les recherches autour du son immersif se développent pour une meilleure expérience immersive.
Techniquement, les chercheurs se heurtent à un point majeur : comment faire en sorte que le son provienne de différents endroits ? Comment donner l’illusion au cerveau d’un son naturel en créant plusieurs sources sonores ? Naît ainsi la conception du son binaural. Les ingénieurs Plenge, Kürer et Wilkens ont démarré leurs expérimentations à la fin des années 1960 pour capter le son à 360°. Reconnaissables, les outils étaient représentés comme une tête humaine (“dummy heads”). C’est bien en représentant l’anatomie humaine que l’on commence à enregistrer de manière différente.
Au coeur de l’action pour un son immersif
Dès les années 1970, de nouvelles expériences sont créées. D’abord avec l’Acousmonium, développé par François Bayle, qui se matérialise comme un orchestre d’enceintes. C’est la première fois qu’il est question de projection phonographique, au mieux accompagnée de jeux de lumières. L’Acousmonium s’inscrit dans l’évolution de la musique acousmatique, qui cherche à mettre la musique au centre de l’attention.
De fil en aiguille, les compositions pensées avec plusieurs canaux de diffusion voient le jour (la première étant Kontakte, Karlheinz Stockhausen pensée pour la quadrophonie). Le son ambisonique est développé en 1975, un enregistrement à 360° permettant de mapper le son et de le diffuser sur n’importe quel support. L’évolution est majeure ; il est ainsi possible d’enregistrer sur 4 canaux. Dans les années 1990, la recherche évolue vers de nouveaux formats (comme le HOA) permettant l’utilisation d’un plus grand nombre de canaux (aussi bien en captation que restitution).
Le son immersif est d’ailleurs aussi utilisé dans la musique dite “grand public”. Le groupe éponyme Pink Floyd jouait déjà en quadriphonie dans les années 1960, la chanteuse Björk a été parmi les premiers artistes à utiliser des dispositifs multi-diffusion pendant ses concerts. Jean-Michel Jarre a également mis en place un système de multi-diffusion sonore lors de son concert au pied des pyramides du Caire. Au centre : l’auditeur, qui reçoit de nouvelles émotions via les dispositifs sonores.
Les expériences sonores toujours plus accessibles
La technologie finit par rattraper les idées qui attendaient d’avoir une solide base. A commencer par le développement du Wave field synthesis (WFS) au milieu des années 2000. En 2012, la salle de projection de l’Ircam (l’EsrPro) est équipée d’un nouveau système de spatialisation sonore multicanal équipant combinant les systèmes WFS et de son ambisonique. Aujourd’hui, vous pouvez vivre ces expériences immersives collectives au cœur de Paris. Les expériences sonores deviennent plus accessibles au public.
L’Ircam est d’ailleurs à l’origine du logiciel Spat, une technologie permettant de recréer artificiellement des déplacements et la réverbération du son. Il est donc possible, depuis un ordinateur portable, de spatialiser des sons. Du côté de l’utilisateur, l’intégration du son immersif dans les appareils d’écoute permet de le démocratiser ; des casques de meilleure qualité, les appareils connectés, les barres de son… Les utilisateurs découvrent un nouveau paradigme dans l’écoute de la musique, plus accessible qu’auparavant.
Enfin au début des années 2010, le son Dolby Atmos fait ses débuts avec le film Rebelle par Pixar. Désormais, le son stéréo ou bien spatialisé peut être diffusé facilement, depuis plusieurs enceintes, ou bien au casque. Le son spatialisé devient plus accessible, il est même disponible sur les plateformes de streaming, accessible aux utilisateurs sans besoin de matériel de pointe.
Et la suite pour la spatialisation sonore ?
L’immersion sonore a de beaux jours devant elle ; la demande du public est toujours plus forte, la qualité sonore promet de belles expériences recherchées par les créateurs de contenus audio. Mais c’est aussi le fait des grands industriels, qui poussent le développement des technologies pour améliorer les possibilités du son immersif. Nous sommes à un moment clé ; le son, trop longtemps laissé de côté, prend enfin sa place centrale dans nos expériences immersives.
Mathilde Neu & Antoine Petroff
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